Vendredi 26 octobre. On nous annonce l'arrivée
imminente d'un ouragan. Je suis en cours, l'annonce est solennelle, le ton
grave, la prudence est de garde, mettons nous à
l'abri et rencardons-nous sur les news. Ok. Je demande a mon prof avec un air
faussement détaché si on doit s'inquiéter Il me répond « bien-sûr que non, nous sommes habitués,
un peu de vent au pire, pas de quoi fouettait un chat, ni même avoir la trouille». Ok. Je lis les news. Surnommé Frankenstorm (Halloween pointant son nez), l’ouragan Sandy (un nom de catin de l'arrière pays) doit dévaler les cotes, samedi ou dimanche
pour finalement débarquer lundi. Durant tout le
weekend on se prépare et j'avoue que je commence
à m'inquiéter. Je n'ai jamais
vécu ça et je ne sais pas du tout a quoi m'attendre. J'interroge
mes nouveaux amis, eux les habitués, eux les téméraires, eux les MacGiver de
l'ouragan en tout genre. Tout le monde me rassure, "l'année dernière c'était la même, au final on a juste senti une
légère brise. Ce sont les élections, ils ne prennent
aucun risques, c'est tout. Tu verras c'est rien du tout".
Bon d'accord, je décide de me laisser porter par la bonne ambiance flottante. On va tous se faire un bon diner, rester à la maison comme on nous le conseille, voila une bonne occasion de festoyer.
Bon d'accord, je décide de me laisser porter par la bonne ambiance flottante. On va tous se faire un bon diner, rester à la maison comme on nous le conseille, voila une bonne occasion de festoyer.
Samedi 27. Rien à signaler. On en parle, on en
rigole, on spécule avec un fond de suspens.
Dimanche 28. Une copine d'une copine se fait déloger, elle est dans la zone à
risque, près de l'eau donc. Je pars moi
aussi dormir chez une copine. On dine tous ensemble, ça ri, ça boit, ça s'amuse du petit vent qui va nous chatouiller les
oreilles. On se couche en se marrant de tout ça,
voyant la France entière nous sollicitant pour avoir
des nouvelles de cette catastrophe. On se couche sans grande inquiétude.
Lundi 29.
On se réveille tranquillement. Je reçois des appels de ma famille et de mes amis pour savoir
comment ça se passe sur le
"terrain". Je deviens envoyée spécial. Je rassure tout le monde. Néanmoins les cours sont annules, les métros sont fermés depuis dimanche soir et on
nous conseille vivement de rester en sécurité et à l’abri chez soi. Les collocs de ma copine, pourtant coutumiers
du fait, commencent à vider les bouteilles de bière avec pour seul et innocent but de les remplir ensuite
d'eau et ainsi faire des réserves. D'ailleurs tous les
contenants y passent. Je me prête au jeu et faire cuire 3kg
de riz et cuisine un riz cantonais géant dans le doute où comme c'est annoncé on se retrouve sans électricité. Un peu dubitative quand même. On passe la journée a attendre que ça passe, a manger toutes les provisions de survie, a boire
du vin, des bières, tout en faisant attention
de ne pas être saouls, au cas où ça dégénère. Il faut rester maitre de ses moyens. On tue le temps à jouer au ping-pong et mater des films avec plus ou moins
d'intérêt. Finalement, ce sont les collocs qui commencent à s'inquiéter, ce qui commence un
tantinet à m’angoisser. Puis, je les vois dévisser toutes les portes de l'appart pour les fixer a coup
de perceuse aux fenêtres. Toutes les fenêtres y passent Je fais face a un vrai danger, me dis-je. Je
coopère, tenant frileuse la porte
pour aider mon prochain à la clouer aux parois des fenêtres et ainsi contribuer a notre survie. Forcément. L'ouragan est finalement annoncé pour la fin de soirée. On fini par ne plus y
croire et on fini surtout par ne plus en pouvoir. Qu'il arrive cet ouragan et
qu'on en finisse, pensais-je bien fort. Ca commence à bien faire. 23h.
En effet, on commence à sentir le vent souffler, les fenêtres tremblent sous la force du vent, on s’écarte des fenêtres et on entend des abrutis qui
s'amusent à affronter sur le « rooftop » la Sandy en furie. Nous, nous
sommes réunis entre trouillards et nous
restons sagement dans notre appart cosy aux fauteuils confortables a mater des
films sur projecteurs géants et on se dit : "on
n'est pas bien là, hein!?". Bref, on part
se coucher en se disant tout de même que ça soufflait mais que ce n'était
pas si terrible.
Mardi 30, 9h. Sur mon portable : 6 appels, 4 sms, 1 message vocal et 26
notifications Facebook. J'essaie de jeter un œil
par la fenêtre, ah mais non y’a des portes à la place des fenêtres. Mes amis, ma famille mais aussi bien des gens que je
n'ai pas vus depuis la maternelle et même mes amis virtuels s'inquiètent et attendent des news. Je me connecte au monde en
allumant mon ordinateur.
Bilan des dégâts : on compte déjà des dizaines de décès, Manhattan est dévasté et plongé dans le noir, des dégâts matériels, arbres déracinés, poteaux électriques arrachés, voitures emportées par la montée des eaux, magasins inondés… Sandy sème l’angoisse à New York. J’appelle et je notifie à tout le monde que je vais bien, qu’ici tout va bien. J’appelle aussi mon amie qui vit dans l’East Village. Elle est plongée dans le noir, sans chauffage, sans boulot puisque les deux restos où elle bosse sont submergés, sans réseau aussi donc très difficile de la joindre. Tout un quartier est sou l’eau et des milliers de vie en suspend. New York, une ville qui flotte, une ville au ralenti, une ville blessée par Sandy. Un nom bien cheap pour un des ouragans les plus couteux après Katrina en 2005. On n’a vraiment pas l’impression de vivre la même chose et dire qu’on a une station de métro et un pout qui nous séparent. Le soir même je monte sur le toit de l’immeuble pour voir Manhattan plongé dans le noir. C’est un fossé obscur, éteint et coupé du monde. C’est irréel d’être le témoin d’un New York endormi, forcé de s’assoupir.
Bilan des dégâts : on compte déjà des dizaines de décès, Manhattan est dévasté et plongé dans le noir, des dégâts matériels, arbres déracinés, poteaux électriques arrachés, voitures emportées par la montée des eaux, magasins inondés… Sandy sème l’angoisse à New York. J’appelle et je notifie à tout le monde que je vais bien, qu’ici tout va bien. J’appelle aussi mon amie qui vit dans l’East Village. Elle est plongée dans le noir, sans chauffage, sans boulot puisque les deux restos où elle bosse sont submergés, sans réseau aussi donc très difficile de la joindre. Tout un quartier est sou l’eau et des milliers de vie en suspend. New York, une ville qui flotte, une ville au ralenti, une ville blessée par Sandy. Un nom bien cheap pour un des ouragans les plus couteux après Katrina en 2005. On n’a vraiment pas l’impression de vivre la même chose et dire qu’on a une station de métro et un pout qui nous séparent. Le soir même je monte sur le toit de l’immeuble pour voir Manhattan plongé dans le noir. C’est un fossé obscur, éteint et coupé du monde. C’est irréel d’être le témoin d’un New York endormi, forcé de s’assoupir.
Pendant
les trois jours qui suivent, la vie se fait au ralenti, toujours pas de métro, les bus sont plein à
craquer, les magasins fermés et pour ceux qui bravent l’obscurité, on s’éclaire à la bougie ou à la lampe torche pour faire ses courses. Je reste à Brooklyn, ici où la vie respire la quiétude alors que de l’autre côté du pont de Williamsburg, les
habitants se démènent pour trouver des solutions pour se chauffer, manger et
aller au boulot coute que coute.
Aujourd’hui, vendredi 2
novembre. Une partie du réseau sous-terrain reste fermé, plus de 600.000 personnes sont toujours sans électricité, on s’organise pour dormir chez des amis, pour être au chaud et on se solidarise entre voisins. Quelques habitants
se plaignent du manque de policiers avec la peur d’une recrudescence de la criminalité. New York n’est pas la seule à être touchée, il y a le New Jersey qui compte 13 décès. Mais aussi les Etats du Maryland,
la Pennsylvanie ainsi que Toronto au Canada. Sans oublier plus de 200.000
sinistrés en Haïti qui attendent toujours de l’aide.
A nu mais
pas complètement à poil, New York retrouve ses couleurs, sa frénésie, son énergie et reprend vie, petit à
petit. On nous avait prévenus.